À Vienne, c’est un peu Halloween toute l’année. Les Viennois ont en effet un rapport à la mort particulier, et l’humour qu’ils usent à ce sujet est l’un des traits qui revient souvent dans les clichés sur les habitants de la capitale autrichienne. La ville regorge de lieux étonnants où la mort est omniprésente : cimetières, musées, catacombes… Ne froncez pas le nez et gardez l’esprit ouvert, vous ne manquerez pas de découvrir un pan important de la culture viennoise ! Marie, notre Welcome Host à Vienne, vous invite à découvrir cinq de ces lieux.
Le cimetière central
Le cimetière central est une véritable ville dans la ville. Avec ses trois millions de défunts, il compte quasiment deux fois plus d’« habitants » que Vienne ! Si vous vous demandez quel est l’intérêt d’aller visiter un tel endroit, en arrivant devant l’immense porte n° 2, vous vous rendrez vite compte que ce n’est pas un cimetière comme les autres… Point d’ambiance glauque ou pesante ici, mais un lieu tranquille et solennel, particulièrement à l’automne où les couleurs feu des arbres s’accordent à merveille à la mélancolie du cimetière. De grandes allées dégagées, une magnifique église art nouveau, des tombes qui sont de véritables œuvres d’art et de célèbres occupants vous attendent dans les différentes sections du parc : rapidement après l’entrée, l’une des zones regroupe par exemple les sépultures de compositeurs célèbres, tels que Beethoven, Schubert, Mozart… Preuve que le cimetière est également un lieu de visite, des audioguides peuvent être loués à l’entrée et des balades en calèches sont également proposées : il faut dire que le cimetière est immense, plus de 240 hectares ! Enfin, il abrite également le musée des pompes funèbres, qui fête ses 50 ans cette année, où l’histoire des enterrements et des cortèges funéraires célébrés en grande pompe peut être découverte.
La crypte des Capucins
La petite église du monastère des Capucins sur la place du Neuer Markt cache dans son sous-sol un trésor bien particulier : c’est en effet ici que sont regroupés les tombeaux de tous les membres de la famille Habsbourg depuis le XVIIe siècle, des fondateurs du monastère, l’empereur Matthias et sa femme Anna, au fils du dernier empereur d’Autriche, Otto de Habsbourg-Lorraine, décédé il y a quelques années. On est ainsi témoin de cinq siècles de l’histoire de l’une des plus prestigieuses familles impériales d’Europe le biais de ces sarcophages richement décorés. Le plus impressionnant est sans nul doute celui de l’impératrice Marie-Thérèse, qui occupe une crypte à lui tout seul, entouré de ceux de ses enfants et notamment celui de l’empereur Joseph II, dont l’extrême dépouillement tranche avec les décors fastueux de celui de sa mère. Loin d’être un lieu lugubre, les tombes de la crypte des Capucins recèlent d’une certaine beauté, parfois morbide (amusez-vous à compter le nombre de crânes qui parsèment les cercueils), mais toujours très élégante. C’est également une opportunité originale d’appréhender le changement des styles artistiques au fil des siècles, des sépultures richement décorées du XVIIe, où le baroque fait foisonner les sculptures, à celles beaucoup plus sobres de François-Joseph et Sissi, il y a un siècle.
Les catacombes de la cathédrale Saint-Étienne
Il y a beaucoup à voir au cœur du célèbre Stephansdom de Vienne, et l’une de ces visites vous invite à découvrir ses catacombes. Les premières salles, paradoxalement les plus anciennes, ont été récemment restaurées et semblent donc plus récentes : elles remontent néanmoins au XIVe siècle, époque de l’édification de la cathédrale gothique, et abritent notamment les différents archevêques et cardinaux de la ville. Dans une autre salle sont enterrés les ducs de la famille Habsbourg du XIVe et XVe siècles, dont Rodolphe IV, qui ordonna la construction de la cathédrale. Au mur, des niches renferment les urnes où furent conservés les organes (cœur excepté) des membres de la famille Habsbourg : à partir du XVIIe siècle, avant de rejoindre leur dernière résidence dans la crypte des Capucins, les corps étaient en effet embaumés. Sol en terre battue, murs nus et rares ouvertures sur des ossuaires où s’empilent des crânes forment la partie la plus récente. Remontant au XVIIIe siècle, elle se situe sous Stephansplatz, à l’endroit d’un ancien cimetière : à la suite de la fermeture des cimetières à l’intérieur des murs de la ville, celui-ci fut délocalisé sous terre. Plus de dix mille personnes ont ainsi été inhumées en l’espace de quarante ans, avant sa fermeture définitive en 1783. Cette section des catacombes accueille également une fosse ouverte durant la dernière épidémie de peste de 1713… mais rassurez-vous, ce n’est plus contagieux.
Le Josephinum
Le musée d’anatomie est situé dans un élégant bâtiment néo-classique à deux pas de l’ancien AKH, l’hôpital général de Vienne, accueillant désormais l’université de médecine. C’est ici qu’est entreposée une collection unique au monde : plus de mille modèles anatomiques et obstétriques en cire, réalisés à Florence et acheminés jusqu’à Vienne à dos de mulets. Ils furent commandés par l’empereur Joseph II (d’où son nom, Josephinum), qui créa en ces lieux l’Académie militaire de médecine et de chirurgie, à la fois dans un but de démonstration pour ses étudiants mais également pour exposition auprès du public. Membres (bras, jambes, pieds, mains), système respiratoire, cœur, jusqu’à des modèles grandeur nature de squelette ou d’écorché où l’on peut par exemple admirer toute la délicatesse du système veineux… La délicatesse des modèles force l’admiration et constitue un trésor d’une valeur inestimable. Ils sont également le témoin d’une époque particulière, la période des Lumières autrichienne, et surtout de la volonté d’un homme, Joseph II, dont les questions de santé publique et d’éducation médicale étaient au centre des réformes. Le musée accueille également une belle collection d’anciens instruments chirurgicaux ainsi que la plus grande bibliothèque, forte de plusieurs milliers d’ouvrages, en langue allemande sur l’histoire médicale.
Le musée d’Anatomie pathologique
De tous les lieux présentés jusqu’à présent, c’est certainement celui qui vous causera le plus de cauchemars : soyez prévenus ! Le musée d’Anatomie pathologique a désormais pris ses quartiers dans l’ancien asile de l’AKH, la Narrenturm (littéralement la tour des fous), le premier hôpital autrichien dédié au traitement des patients atteints de troubles psychiatriques. Sa construction fut également ordonnée par Joseph II. Rien que le lieu fait froid dans le dos : une tour austère, s’ouvrant sur deux petites cours intérieures où le soleil a bien du mal à pénétrer, et qui ressemble d’ailleurs plus à une prison qu’à un véritable hôpital. L’intérieur est du même acabit : étages circulaires oppressants, portes à barreaux, petites cellules où étaient autrefois enfermés les patients… et qui accueillent désormais les collections du musée. Fœtus conservés dans du formol, squelettes présentant diverses difformités, moulages de diverses parties du corps présentant infections et maladies diverses… mieux vaut avoir le cœur bien accroché !
Bonus : les églises viennoises
Les églises viennoises sont souvent richement décorées : tableaux, ors, marbres… Les décors baroques ne manquent pas et les églises rivalisent de splendeur. Au milieu de cette profusion d’ornements se trouve une particularité toute autrichienne : des tombeaux vitrés, où l’on trouve richement habillés des mannequins qui ressemblent fort à des squelettes. Brrr…