De bon matin, le chroniqueur de France 2 Jacques Dejeandile nous emmène en voyage aux quatre coins de la planète. D’un coup de roulettes, il donne envie à tous ceux qui le regardent, personnes handicapées comme valides, de le suivre dans chacun des pays qu’il visite.
Comment expliques-tu le succès de tes chroniques ?
J’étais passionné de voyages avant mon accident de la route survenu en 1979 alors que je n’avais que 18 ans. Je m’imaginais que plus rien n’était possible. Ma petite amie d’alors a réussi à me convaincre que nous pouvions aller aux États-Unis. Un peu fauchés et jeunes étudiants nous dormions dans des motels comme en voit dans « Colombo », mangions dans des fast-foods matin et soir, tout notre budget ayant été absorbé par la voiture de location (équipée pour la conduite au volant).
Ce voyage a été un véritable tremplin pour moi. Il m’a redonné le goût de vivre et des voyages. Il m’a montré que tout était possible et je me suis promis d’essayer de partager cet enthousiasme. Je crois que c’est ce qui transparaît à l’écran aujourd’hui. Parfois des téléspectateurs m’arrêtent dans la rue pour me dire « vous nous faites rêver, continuez ». Faire rêver alors que je suis handicapé et en fauteuil roulant… c’est formidable non !
Tu fais ce métier depuis plus de 20 ans. Quel était le visage du tourisme accessible à cette époque ?
Au départ, j’ai proposé une chronique sur tout ce qui se faisait de positif en matière de handicap. Monique Cara, la productrice de Matin-Bonheur, sur Antenne 2 a été emballée par l’idée. C’était en 1990 ! Puis William Leymergie m’a proposé une chronique dans C’est au programme avec Sophie Davant et depuis 10 ans dans Télématin.
À l’origine, je ne tournais qu’en France. J’ai eu le bonheur de traîner mes roues dans tous les coins de notre beau pays. Nous avons montré que le Louvre était accessible en fauteuil roulant mais offrait également des œuvres « à toucher » pour les aveugles, qu’un catamaran permettait de faire des mini-croisières dans le sud, qu’on pouvait faire du parachute dans le centre ou se jeter d’un pont à l’élastique en Normandie….
D’après toi le tourisme accessible contribue-t-il à la citoyenneté des personnes handicapées ?
C’est tout à fait ça. J’ai accompagné le mouvement des Zanzans (les Zandicapés, parce qu’il y a un h aspiré) pour le droit à l’école et à l’enseignement supérieur. J’ai fait des reportages sur la volonté de certains de s’insérer professionnellement, leur désir de vivre comme tout le monde… Aujourd’hui beaucoup ont fait des études, travaillent, payent leurs impôts, ont même des enfants et veulent voyager, au même titre que leurs collègues de bureau. Même avec des petits moyens on peut aller à la découverte du monde, des autres. Il y a des destinations à 90 minutes d’avion de la France qui dépaysent complètement et qui enrichissent merveilleusement.
Avec qui et comment travailles-tu pour préparer ton voyage ? Est-ce facile ?
C’est facile, car j’ai la chance de travailler avec une équipe formidable. Guillaume Juhérian, le réalisateur, et Léo, le cameraman, sont devenus des amis. Nous travaillons ensemble depuis plus de quinze ans. On se connaît bien. Ils connaissent mes limites et je sais de quoi ils ont besoin pour que les reportages soient représentatifs. Nous travaillons beaucoup en amont, avant le départ.
Pour nous, il n’y a pas de destinations inaccessibles. Il y a toujours des solutions. Ma seule exigence : que ma chambre d’hôtel soit parfaitement adaptée. Et même là, on a parfois des surprises… alors, on trouve des briques à mettre sous les pieds du lit pour qu’il soit à bonne hauteur ou des grands sacs poubelles pour protéger le fauteuil Louis XV de la chambre, réquisitionné comme siège de douche….
Toujours sur l’accessibilité : ton plus beau souvenir de reportage ?
Difficile car j’ai de beaux souvenirs sur presque tous mes reportages. Mais quand on en parle avec Léo et Guillaume, on a un petit faible pour la croisière sur le Nil sur le Steam Ship Sudan. Tous les sites égyptiens ne sont pas accessibles, mais quelle beauté, quel accueil chaleureux ! L’inoubliable gentillesse de l’équipage, qui, à chaque escale, aide, porte pour vous permettre de visiter des lieux que vous n’imaginiez jamais voir « en vrai ». Ça n’a pas de prix !
Une rencontre incroyable ?
Un vieux monsieur à Séoul qui ne parlait pas un mot de français mais adorait notre pays parce que nous l’avions libéré des Japonais lors de la Seconde Guerre mondiale. Il regardait Télématin tous les jours sur TV5 et m’a reconnu sur un petit marché où nous tournions. Je ne sais pas lequel des deux était le plus étonné de cette rencontre improbable.